Description
L’Abbaye de Jumièges en Seine Maritime
Nichée au creux d’une des boucles de la Seine, l’abbaye de Jumièges, en ruine est restée une grande et belle dame qui fait l’admiration de quiconque vient la voir. C’était un des plus anciens et des plus importants monastères bénédictins de Normandie fondé par Saint Philibert, qui fut détruit au XIXe siècle.
Il nous faut remonter le temps pour retrouver ce que l’abbaye fut, dans toute sa splendeur et sa richesse.
La naissance d’une abbaye prospère
Sa construction commence en 654, à la suite d’une donation que Clovis II, roi de Neustrie et de Bourgogne, et sa femme Sainte Bathilde font à Saint Philibert. À cette époque, l’essor monastique inspiré par l’action de Saint-Colomban se développe pour préparer la Gaule à devenir sous l’empire carolingien un territoire d’unité chrétienne.
L’impulsion de Saint Philibert
Saint Philibert sera en charge d’élever l’abbaye qui très vite devient l’un des centres littéraires les plus importants de la Neustrie. Assouplissant la règle de Saint-Colomban pour suivre celle de Saint Benoît, Saint Philibert fait venir à lui 70 premiers moines. Ceux-ci partagent leur vie entre la prière, l’apostolat (propagation de la foi et prédication) et le travail. Par la suite, il rachète en Angleterre des esclaves, les catéchise, les baptise. Certains d’entre eux prennent la robe.
Une abbaye très riche
Ainsi, en l’an 700, à son apogée, 900 moines vivent à l’abbaye de Jumièges ainsi que 1500 serviteurs malgré la peste qui décime la communauté en 685. Le travail de tous permet de défricher les terres pour les transformer en jardins, potagers, vergers, vignobles et prés pour les bêtes et de pêcher les cétacés pour récolter l’huile.
À cette époque florissante, la dîme sert à aider les pauvres. Ainsi l’abbaye reçoit les dîmes de nombreuses paroisses, des rentes et possède des droits sur le passage et le halage sur la Seine, dans la forêt de Brotonne, sur les foires et marchés, la pêche, et le pressurage. Elle contrôle la production du grain grâce à ses moulins et les salines de Rouxmesnil-Bouteilles la fournissent en sel. De plus, l’abbaye jouit d’un domaine fluvial et du port de Jumièges lui permettant de faire des transactions de transport fructueuses entre l’Angleterre et la France.
L’abbaye voie de pèlerinage vers Rome
Toutes ses ressources abondantes lui permettent d’accueillir de nombreux pèlerins, principalement anglo-saxons qui partent en pèlerinage pour Rome. Le prestige de l’abbaye et la fréquentation des pèlerins s’expliquent par la qualité de ses reliques. En 1493, l’abbaye reçoit une côte de saint Philibert et en 1655, une partie du crâne de sainte Bathilde, reine de France, ses fondateurs. On y trouve aussi les reliques des saints : Aicadre, Constantin, Pérégrin, Hugues, Quentin, une dent de saint Jean-Baptiste, une côte de Saint-Laurent. Elles rejoignent l’abbaye de Saint-Wandrille de Fontenelle en 1897 avec la restauration du monastère.
L’invasion viking
Les invasions viking qui ont commencé sur l’île de Lindisfarne en 793 sur la côte de Northumbrie (nord -est de l’Angleterre) se perpétuèrent à partir de 799 sur le sol du royaume de Charlemagne. Les scandinaves s’attaquent surtout aux monastères parce qu’ils centralisent de nombreuses richesses.
En 841, après deux attaques vikings où l’abbaye est dévastée et pillée, les moines abandonnent les lieux en emportant les précieux manuscrits dont l’antiphonaire (livre liturgique catholique rassemblant les partitions des chants grégoriens) qui n’ont pas subi les ravages des incendies et les reliques et se réfugient au Prieuré d’Haspres près de Cambrai.
Plusieurs tentatives de remise en route du monastère et de restauration seront tentées en 940 puis en 942 par des moines sans succès jusqu’à une timide reprise de la vie monastique jusqu’en 1024.
La renaissance de l’abbaye
du style roman au style gothique
C’est l’abbé Robert de Jumièges dit « Champart » qui reconstruit le monastère entre 1040 et 1052. La grande église abbatiale de Notre-Dame de Jumièges sera consacrée en 1067 par l’archevêque de Rouen en présence de Guillaume le Conquérant, l’illustre duc de Normandie.
200 ans plus tard, le chœur roman de la grande église abbatiale est reconstruit en style gothique afin d’y ajouter des chapelles rayonnantes pour améliorer la luminosité ambiante.L’abbaye est riche et peut se permettre ces dépenses de confort et d’esthétisme. En effet, l’activité du scriptorium de cette période montre un dynamisme sans précédent.
l’occupation anglaise du royaume
Au moment de l’occupation anglaise en Normandie, Nicolas Le Roux, abbé de Jumièges participa activement au procès contre Jeanne d’Arc, craignant sans doute les rétorsions du pouvoir anglais sur le monastère.
Lors de la reconquête de la Normandie à la fin de la guerre de Cent Ans, Charles VII vient séjourner pour l’hiver dans l’abbaye avec Agnès Sorel sa maîtresse, enceinte de huit mois. Accouchant au début du mois de février, elle meurt 9 jours plus tard. Son enfant n’ira pas non plus au-delà de la petite enfance.
L’abbaye du temps des guerres de religion au XIIe s
Le pillage des huguenots
Après avoir subi la luxure sous le règne des abbés commendataires (ceux-ci touchent les revenus personnellement), l’économie de l’abbaye se dégrade. Puis elle est envahie par les calvinistes. Ainsi les huguenots qui ont mis à sac les villes de Dieppe, Le havre, Rouen et Caudebec se présentent aux portes de Jumièges. Les moines s’enfuient laissant le monastère désert, à la merci des protestants qui le pillèrent sans vergogne : les autels sont renversés, les vases sacrés volés, les sculptures brisées, les saintes reliques incendiées, les peintures ravagées. Tout fut détruit ou emporté, y compris l’étain, le cuivre le plomb dont l’église et le cloître étaient couverts, jusqu’aux livres de la magnifique bibliothèque.
Le roi Charles IX se rendit à Jumièges pour constater le désastre et permit aux moines de vendre un peu de leurs terres pour pouvoir survivre en ces lieux. Ainsi fut cédée au comte de Brissac la seigneurie de Norville et 17 religieux purent ainsi retourner vivre au monastère Jumièges.
La commende, fossoyeuse de l’abbaye
Au début du XVIIe siècle, les vocations se font rares. Et en 1789, les religieux ne sont toujours que 18, le monastère n’ayant pas réussi à se relever financièrement du poids des dettes qu’ont entraîné les abbés commendataires. Ils doivent se disperser dès 1790. Ils ne protestent guère quant à la fermeture du monastère face aux républicains.
La révolution, l’agonie et le sauvetage de l’abbaye
L’abbaye bien national
Comme beaucoup d’édifices religieux, l’abbaye est vendue au titre des biens nationaux. Pierre Lecsuyer, receveur des biens nationaux acquière l’abbaye et détruit le cloître et le dortoir qui venait d’être construit. Puis, Jean-Baptiste Lefort, marchand de bois, dynamite le chœur en 1802 et jusqu’en 1824, l’église devient une carrière de pierres.
Plusieurs sauveurs privés
Nicolas Casimir Caumont, époux de la fille du propriétaire, hérita de sa femme qui mourut. Cet homme qui cumulait de nombreuses importantes fonctions (Maire de Jumièges, ancien président de la chambre de commerce de Rouen et du tribunal de commerce, président du conseil d’administration de la banque de Rouen, vice-consul du Brésil et du Portugal, ancien conseiller municipal de Rouen) mit son pouvoir et son énergie à sauver l’abbaye. Mais en 1852, il décède et ses héritiers mettent en vente l’abbaye.
En 1852, la famille Lepel-Cointet acquiert l’abbaye et en sauve les derniers vestiges. La mode est au romantisme, l’église connaît une belle renommée. Ains les célèbres écrivains (Victor Hugo, Robert de Lasteyrie et Roger martin du Gard) loueront chacun à leur manière la grandeur des ruines de l’abbaye de Jumièges.
L’abbaye propriété de la collectivité
L’abbaye retourne à l’État en 1947, puis devint la propriété du département de Seine-Maritime en 2007 dans le cadre de la loi de décentralisation, qui permet de transférer certains monuments historiques aux collectivités territoriales.
La reconstruction de Jumièges n’a pas été envisagée par souci de garder toute son authenticité du monument. Seuls des travaux de consolidation et de protection en maçonnerie sont effectués régulièrement pour préserver du mieux possible ses structures et son décor, et en assurer la sécurité.
La visite de l’Abbaye
La porterie
Le porche du 14e siècle, entrée sur le domaine de l’abbaye offre une belle architecture gothique aux clés de voûte sculptées. Restructuré à la fin du siècle dernier, il présente aujourd’hui un caractère néogothique. Aujourd’hui, il abrite l’accueil et des salles d’exposition.
L’abbatiale Notre Dame
Comme dit plus haut, c’est l’abbé Champart qui a œuvré à sa reconstruction entre 1040 et 1060. Encadrée par deux tours de 46 mètres, la façade ouest est composée d’un porche surmonté d’une tribune. La nef d’une hauteur de 25 mètres est la plus haute nef romane de Normandie. A la croisée du transept, seul le mur ouest de la tour-lanterne est encore visible. Le chœur de Notre-Dame, qui avait été reconstruit au 13è siècle, n’a pas résisté aux destructions post-révolutionnaires, faisant des murs une carrière de pierres facilement accessible et disponible. Aujourd’hui, l’édifice ne possède plus que deux chapelles rayonnantes gothiques.
L’église Saint Pierre
Reliée à l’abbatiale Notre-Dame par le passage Charles VII, l’église Saint-Pierre a gardé quelques vestiges de l’époque carolingienne : la façade et les deux premières travées de la nef avec ses niches circulaires et ses baies géminées. Le reste de l’église a été entièrement reconstruit au XIIIe s ainsi qu’au XIVe s. Sur le mur sud, une figure d’homme représenté en buste est un exemple rare de peinture carolingienne.
Le parc de l’abbaye
Ce parc clos de 15 hectares, a principalement été conçu par les moines mauristes aux XVIIe et XVIIIe siècles avec en son centre un système de terrasses desservies par un grand escalier.
Dans la partie sud, nommée Clos de la Vigne, la double allée de tilleuls menant à la grille dite « d’Agnès Sorel », et le thabor, une butte artificielle à portée symbolique évoquant le mont de la Transfiguration du Christ.
Dans les années 1900, le parc fut réaménagé avec notamment la création d’un parterre de buis en contre bas du logis abbatial. C’est à la même période que des arbres aux différentes essences ont été plantés pour en faire un parc d’agrément : hêtres pourpres et grands pins situés près de la porterie, mais également le grand cèdre de l’Atlas arraché par la tempête de 1999, dont la souche, encore odorante, est conservée au centre du Clos de la Vigne.
L’hôtellerie
Aujourd’hui fermée à la visite pour des raisons de sécurité cette belle bâtisse servait à l’accueil des personnes de haut rang. Avec des proportions architecturales équilibrées, sa façade extérieure, offre encore des personnages grotesques sculptés et de baies décorées dans la pure tradition médiévale. Au 17ème siècle, les moines aménagent un étage supplémentaire pour y installer une bibliothèque.
Le logis abbatial
Le logis abbatial est l’ancienne résidence des abbés commendataires de Jumièges, construite à partir de 1666. Ce bâtiment remplace le précédent logis médiéval. C’est en 1671, que François II de Harlay de Champvallon, archevêque de Paris et abbé de Jumièges, s’installe dans le nouveau logis enfin achevé.
Cet édifice de style classique de 3 étages, est coiffé d’une toiture réhaussée à la Mansart. Depuis sa terrasse on peut admirer la splendide vue avec d’abord le par et l’abbaye et plus loin, les côteaux de la Seine. Le blason orné des clés de saint Pierre, patron de l’abbaye, orne toujours le fronton du majestueux avant-corps.
A la Révolution, le logis abbatial est vendu, séparément de l’abbaye comme Bien national. Plusieurs propriétaires se succèdent jusqu’à son acquisition par Louis-Helmuth Lepel-Cointet, fils d’Aimé-Honoré Lepel-Cointet, déjà propriétaire des ruines et du parc depuis 1852.
En 1954, un musée lapidaire est installé au rez-de-chaussée du logis abbatial mais dans la nuit du 17 au 18 août 1974, le logis abbatial est ravagé par un incendie. Pour rendre au bâti la stabilité et la sécurité d’importants travaux sont entrepris et sa toiture est reconstruite.
Depuis 2007, le Département de Seine-Maritime, propriétaire de Jumièges, a décidé d’ouvrir le logis abbatial en y organisant en saison des expositions d’art visuel contemporain. Les salles dédiées à la magnifique collection lapidaire sont ouvertes à la visite, dans le même temps avec la volonté d’instaurer un dialogue entre l’art médiéval et la création contemporaine.
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- By valerieJean Biographe
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