LE MARQUIS DE VAUBAN
Le Léonard de Vinci français
Le marquis de Vauban est le Léonard de Vinci français. Ingénieur émérite, il est connu partout en Europe pour la « ceinture de fer » qu’il édifia sur tout les frontières françaises grâce à la quelle, le royaume fut protégé des invasions pendant un siècle. Les nombreuses fortifications qu’il a laissées dans le paysage, ont fait école dans le monde entier et l’on parle de bastion « à la Vauban ».
Outre son ingéniosité dans l’art militaire, Vauban, avait une multitude de talents qu’il exerçait selon ses fonctions, les circonstances: fantassin, artilleur, expert en mines, poudres et salpêtre dans son engagement dans la guerre sur le terrain; cartographe, hydrographe, topographe, ingénieur Ponts et chaussées, urbaniste quand il faut déployer les talents de bâtisseurs. Mais ce qui est souvent ignoré c’est que Vauban était également un philosophe, un économiste, un statisticien, un agronome innovateur et visionnaire. Ses écrits, à caractère humaniste préfigure les lumières et laisseront à la postérité nombre de recommandations qui inspireront encore 100 plus tard les penseurs de la révolution.
Une brillante carrière militaire
Issu de petite noblesse récente, son grand-père ayant acquis le château de Bazoches qu’il rachètera plus tard, Sébastien Le Prestre, marquis de Vauban est né en 1633 dans une petite commune du Morvan. Il grandit dans un environnement guerrier puisqu’il assiste aux tragédies de la guerre de trente ans avec son cortège de violence et de misères et fit probablement ses études chez des carmélites où il reçut une culture humaniste en y apprenant notamment les auteurs antiques et les mathématiques.
Agé de 20 ans, il s’engage aux côtés du Prince de condé, chef de fil de la Fronde, contre le jeune Louis XIV. Mais dès l’année suivante, il rallie le camp royal après sa rencontre avec le cardinal Mazarin qui fut impressionné par la verve du jeune homme.
Mobilisé, il combat alors sur de nombreux sièges (14) et ne tarde pas à obtenir son brevet d’ingénieur du roi. Ces nombreuses batailles lui permettront d’observer et d’échafauder des plans pour améliorer l’efficacité guerrière des troupes et surtout d’économiser la vie des hommes notamment par deux concepts simples et novateurs: Adapter la défense en utilisant les contours naturels du terrain et échelonner la défense en profondeur.
Promu au rang d’officier, il est chargé en 1662 de fortifier la ville de Dunkerque puis celle de Lille qui sera appelée « la reine des citadelles ». Suit sa nomination de commissaire général des fortifications, rôle qu’il assumera toute sa vie sous la tutelle de Clerville et de Louvois pour les frontières terrestres et sous la direction de Colbert pour les ports et les frontières maritimes.
Des dispositifs de défense innovants
Les stratégies avaient évoluées et dans les batailles l’artillerie était de plus en plus utilisée. Fort de ce constat qui avait amené les défenses à aménager des fortifications rasantes grâce à des fossés et des talus, Vauban innova en y ajoutant des fortins et en réduisant les angles morts grâce à des structure étoilées.
Au delà de son rôle de bâtisseur et de militaire, Vauban n’hésite pas à prodiguer ses conseils au roi. La France est toujours malmenée sur les frontières du Nord et de l’est. Il préconise d’abandonner les bastions trop éloignés dans les terres passant à l’ennemi pour recentrer les forces en aménageant un « pré carré », une double ligne de fortifications composées chacune de 13 places et de deux forts renforcées par des canaux, destinées à barrer la plaine de Flandres. Il fera de même quelques temps plus tard à l’est.
Après avoir renforcé ces deux régions très exposées, Vauban s’attaque à la défense de l’ensemble des frontières en s’ingéniant à utiliser la morphologie naturelle et spécifique de chaque place (fleuves, montagne etc..) parce que disait-il » il est nécessaire d’assujettir le plan au terrain, et non pas le terrain au plan ». Selon ces grands principes, Vauban aménagea: 119 villes fortifiées, 34 citadelles, 58 forts ou châteaux, 57 réduits et 29 redoutes.
Réduire le coût humain des batailles
Mais Vauban ne se contente pas de défendre, il sait également développer l’attaque. Mais il a vu trop d’attaques hâtivement préparées aboutissant à des pertes top lourdes en homme et en temps. Jusqu’à présent une seule longue tranchée longue et étroite faisait face à la forteresse, ce qui empêchait toute circulation aisée des troupes et autres maniements d’artillerie. Ainsi, il apporte trois innovations majeures aux techniques d’attaque:
– le système dit des parallèles. Trois lignes parallèles entre elles et qui épousent la forme de la forteresse à assiéger reliées par des tranchées en zig-zag pour éviter les tirs en enfilade des tirailleurs assiégés. La première ligne permet d’être hors d’atteinte des canons ennemis, la deuxième ligne qui abrite les canons pour neutraliser l’artillerie ennemie, la troisième ligne d’où partiront les assaillants.
– Les « cavaliers de tranchée », des levées de terre qui permet aux assaillants d’être à hauteur des positions de tir et ainsi d’utiliser les grenades pour accéder au chemin couvert.
– Le tir « à ricochet », système de mises à feu différées par de petites quantités de poudre qui permet au canon d’avoir plusieurs impacts dans un tir en enfilade. Vauban trouvera la parade pour ses propres fortifications en construisant des traverses perpendiculaires aux remparts.
Au delà des ces trois systèmes de défenses, Vauban est l’auteur de la méthode d’attaque d’un siège en 12 étapes qui restera en vigueur jusqu’au XIXe siècle.
Traumatisé par la mort de ses compagnons du génie et pour perpétuer le génie militaire, il incita Louvois à fonder un corps d’officier du génie qui n’auraient pas de troupes à gérer mais seulement à prendre en charge les installations.
Vauban le réformateur et le visionnaire
Vauban a laissé un témoignage de son travail par des écrits variés, abordant une multitude de sujets.
Tout d’abord des descriptions économiques et géographiques glanées dans les régions qu’il fortifiait notamment ses propositions sur un système de canalisation reliant l’ensemble des voies navigables du territoire français. Il travaillera par ailleurs aux plans d’aménagement du canal du midi.
Dans la « description de l’élection de Vezelay », grâce à ses compétences de statisticien, il détaille les revenus, la fertilité du pays, les moeurs des habitants, leur ressources et ce qu’il conviendrait de faire pour corriger les déficiences productives du bétail et démographiques de la population notamment en allégeant l’impôt, en simplifiant les procédures juridiques. Il appliquera cette même méthode à une province du Canada. Il est aussi à l’origine des premiers recensements (Flandres).
Sa réflexion quant à l’économie n’est pas en reste en proposant, trois siècles avant qu’elle ne se mette en place, une monnaie unique européenne.
Enfin, et ce sera l’objet de sa disgrâce, Vauban fait éditer « La dîme royale », un essai distribué sous le manteau dans lequel il propose un programme de réforme fiscale visionnaire visant à supprimer et simplifier les taxes au profit d’un impôt général sur le revenu exigible pour tous.
il va sans dire que les castes privilégiées se liguèrent contre lui et il fut disgracié. Il mourut peu de temps après mais les graines qu’il avait semées germeront dans la tête des réformateurs à la fin du siècle, qui s’en inspireront pendant la Révolution.
Homme politique avisé, il avait déconseillé à Louis XIV de révoquer l’Edit de Nantes prévoyant les troubles que cela amènerait. Dans son texte « Mémoire sur les huguenots » il souligne que « l’intérêt général est préférable à l’unité du royaume quand les deux ne sont pas compatibles ». Cela entamera le divorce entre le roi qu’il sert depuis si longtemps et Vauban qui n’admet pas une politique qui s’éloigne de l’idée de grandeur et de défense de sa patrie. En effet Vauban, parcourant sans cesse le royaume et témoin de la crise latente qui enserre le peuple est de plus en plus écartelé entre son rôle de serviteur du roi et serviteur de la nation, concept en devenir.
Avant l’heure il fut un citoyen et ouvra la voie à ce qu’on appelle l’espace public qui ne peut encore se partager sous la souveraineté d’un Roi et par ses textes, il est considéré comme le précurseur des encyclopédistes qui éclateront pendant le siècle des lumières.
Vauban à l’honneur
L’unesco a retenu 12 sites pour l’inscrire au Patrimoine Mondial.
Parmi les sites choisis, honneur est fait à l’art urbanistique que déploya Vauban en associant système de défense et habitat.
En effet, il y a un groupe de neuf villes neuves que l’ingénieur du Roi a construit « ex nihilo » et qui traduit une conception de la ville idéale conçue selon un plan étoilé avec six bastions et demie-lunes.Ces villes était dotée de toutes les commodités pour ses habitants vivant dans une place d’armes : une église, un arsenal, des corps de caserne, des puits et des îlots d’habitation où se regroupaient les familles.
LA CITADELLE D’ARRAS
La citadelle s’incorpore sur la deuxième ligne du Pré-carré, qui fermait la frontière française de la plaine des Flandres
CITADELLE DE NEUF-BRISACH
Cette ville nouvelle fut créée de 1698 à 1703 après la perte de Vieux-Brisach (aujourd’hui Breisach am Rhein) La place est restée inachevée par la restriction du budget mais a tenu un rôle majeur dans le système de défense.
CITADELLE DE ST MARTIN-DE-RÉ
Construite en 40 jours, elle est édifié sur une ancienne fortification. En 1873, elle devient prison d’État.
CITADELLE DE BESANÇON
Nichée sur un éperon rocheux surplombant un méandre du Doubs, La citadelle est érigée de 1668 à 1683. Appartenant à la ville de Besançon, c’est la seule citadelle de Vauban qui est ouverte au public. Au sein de ses murs, elle abrite des musées et un zoo.
CITADELLE DE BLAYE
La citadelle et les deux forts de Cussac-Fort-Médoc composent un triptyque permettant de bloquer le passage de la Gironde grâce à leurs feux croisés. L’ensemble monumental où l’oeuvre de Vauban prédomine, s’accorde avec les places fortes antérieures que constituent le château et la forteresse.
CITADELLE DE VILLE FRANCHE DE CONFLENT
Enchassée dans un massif montagneux où les passages sont étroits, la citadelle est conçue pour les bloquer et surplomber la vallée pour une surveillance idéale. La cité a été profondément remaniée par Vauban pour arriver à ce résultat.
CITADELLE SAINT VAAST LA HOUGUE
Après la Bataille navale de la Hougue dans la baie de Saint-Vaast en 1694 Vauban érige deuxtours sensées être complétées par la construction d’un port de guerre. Mais c’est Cherbourg qui est choisi pour accueillir un nouveau port. Le lazaret de 1723 situé à l’opposé accueille le musée maritime de Tatihou
TOUR DE CAMARET SUR MER
Partie intégrante du système défensif du goulet de Brest, la tour est construite en 1695 et est aujourd’hui une propriété communale.
CITADELLE DE MONT LOUIS
Se trouvant face à la nécessité de fermer le passage avec l’Espagne, Vauban projette à partir de 1679 d’édifier une nouvelle ville. Les fortifications seront achevées dès 1681, les maisons ne seront bâties que bien plus tard. Plus tard pour renforcer encore le dispositif,des ouvrages sont construits à distance, à plus 2000 m d’altitude. Régulièrement maintenue en état cette forteresse est toujours occupée par l’armée.
CITADELLE MONT DAUPHIN
A la suite d’une invasion par la Savoie, Louis XIV demande la création d’une citadelle qui protège le Dauphiné et la Provence. Pensée comme une ville neuve la forteresse créée en 1692 par Vauban, la citadelle restera un nid d’aigle doté d’une vingtaine de maisons seulement. Construite sur un éperon rocheux au dessus du confluent du Guil et de la Durance, tout en marbre rose, la forteresse restera un arsenal militaire et recevra des aménagements jusqu’en 1870 malgré le recul de la frontière en 1713. Une des ailes sera détruite par un bombardement en 1940. En 1983 le transfert de propriété des édifices militaires est effectif. Un lieu insolite où 140 habitants vivent encore.
CITADELLE LONGWY
Face à la ville de Luxembourg, la citadelle est construite pour accueillir une ville neuve à partir de 1679 . Elle ne survivra pas au conflit de la grande guerre mais la ville malgré tout décida de garder des éléments de son infrastructure militaire même si l’extension urbaine nécessita la destruction de la moitié de son enceinte.
Le palais, citadelle de Belle île en Mer ne fut pas retenu par l’unesco ainsi que le château de Bazoches.